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Le magazine de l'innovation hospitalière
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Innolab, le living lab d'observation du Groupe ELSAN


Rédigé par Joëlle Hayek le Mercredi 11 Octobre 2023 à 10:02 | Lu 1163 fois


Avec 28 000 collaborateurs et 7 500 médecins exerçant au sein de ses 140 établissements de santé, et plus de 4,2 millions de patients pris en charge chaque année, le groupe d’hospitalisation privée ELSAN est l’un des principaux acteurs de l’offre de soins en France. Fortement engagé en faveur de l’innovation, il mène à cet égard une politique proactive, qui s’est notamment concrétisée par la création du living lab d’observation Innolab. Le point avec sa directrice de l’innovation, Dorothée Moisy-Gouarin.



Dans quel contexte l’Innolab a-t-il vu le jour ?

Dorothée Moisy-Gouarin : Tout a commencé en 2016, alors que le groupe ELSAN cherchait à mieux structurer sa démarche d’innovation – une dynamique dans laquelle il est d’ailleurs engagé de longue date. Partant du constat que l’innovation dépassait désormais le seul champ médical et clinique, nous avons souhaité démultiplier notre capacité à apporter de nouveaux outils et de nouveaux services aux patients, aux professionnels de santé et à nos établissements. C’est ainsi qu’est né l’Innolab, un living lab d’observation qui entend mener une politique active d’innovation ouverte centrée sur les usages. Inscrit dans une démarche collaborative, il fait ainsi le lien entre les besoins et enjeux identifiés sur le terrain, et les réponses apportées par l’écosystème foisonnant des innovateurs en santé. Pas moins de 720 solutions ont été observées depuis son lancement. Les projets sélectionnés sont ensuite testés en phase pilote dans un ou plusieurs établissements, et les plus pertinents sont retenus pour un déploiement élargi au sein du groupe.

Quels sont ici vos critères de sélection ?

Comme je l’évoquais, l’on trouve aujourd’hui pléthore de solutions innovantes sur le marché. Mais les environnements où elles ont vu le jour – souvent des CHU – sont sensiblement différents de ceux de nos propres établissements, qui sont pour l’essentiel des cliniques de petite et moyenne taille. Aussi nous faut-il vérifier leur proposition de valeur en vie réelle, en associant étroitement les utilisateurs à cette évaluation. Nous observons plus particulièrement ici la réalité du service rendu, mais aussi la maturité de la solution et la faisabilité de son déploiement à plus large échelle. À chaque fois, les évaluateurs, qui sont donc des professionnels de santé en exercice, bénéficient d’un accompagnement par les experts des différentes directions fonctionnelles du groupe ELSAN. Cette méthodologie a fait ses preuves, car une trentaine de pilotes a déjà été menée depuis la création de l’Innolab, ce qui a conduit à la structuration de 14 partenariats commerciaux, mais aussi parfois capitalistiques : le groupe ELSAN est en effet entré au capital de près de 50 % des start-ups retenues pour un déploiement élargi.

Pourriez-vous évoquer quelques-uns de ces projets ?

En 2018, l’Innolab s’était attaqué à un défi de taille : la pénurie des soignants et la flambée du recours à l’intérim. Nous avions donc expérimenté avec succès une solution de gestion des remplacements développée par une start-up française. 82 établissements en sont aujourd’hui équipés, pour 17 000 missions de vacation réalisées tous les mois. La solution est en outre en cours d’intégration à notre système d’information, pour alléger encore le processus administratif des remplacements. En 2019, nous avons plutôt cherché à fluidifier les échanges des équipes en interne et avec leurs correspondants de ville. Un pilote, lancé autour d’une messagerie professionnelle instantanée et sécurisée, s’est depuis traduit par un déploiement dans 66 établissements, soit 2 600 comptes actifs et plus de 65 000 messages échangés par mois. Ces chiffres témoignent bien de la pertinence de notre approche méthodologique.

D’autres exemples ?

Je retiendrai le dernier en date : un partenariat noué avec un spécialiste des solutions d’intelligence artificielle pour l’imagerie médicale. Le pilote, mené à la Clinique Esquirol Saint-Hilaire d’Agen autour de l’aide à la détection des fractures pour les médecins urgentistes, avait montré que ceux-ci pouvaient manquer jusqu’à 18 % des fractures, là où le taux d’erreur de l’IA était de seulement 3 %. L’intérêt de cette solution était donc bien réel, pour assister et donc rassurer les urgentistes, et permettre une orientation plus juste des patients. Les radiologues s’y sont d’ailleurs aux aussi intéressés pour leur pratique quotidienne. L’algorithme est désormais en cours de déploiement dans 7 sites, services d’urgences comme centres d’imagerie médicale, et nous testons en parallèle deux autres systèmes développés par ce même partenaire, pour l’IRM et la médecine nucléaire.

La démarche portée par l’Innolab semble donc être bien accueillie par les professionnels de santé du groupe…

Oui, et j’en suis très agréablement surprise ! D’ailleurs, malgré le contexte difficile et les nombreuses contraintes auxquelles elles font face dans leur exercice quotidien, les équipes sollicitées sont toutes partantes pour participer aux différents projets. Cela tient certainement à la culture d’innovation du groupe ELSAN, mais je suis convaincue que cet accueil très favorable est également dû à l’attention portée à la voix des utilisateurs. En tout état de cause, la dynamique créée par l’Innolab est particulièrement positive. Pour aller toujours plus loin, nous soutenons également l’entrepreneuriat médical et avons à cet égard conclu un partenariat avec un « start-up studio » : les praticiens du groupe développant des concepts originaux de dispositifs médicaux peuvent ainsi être épaulés et éventuellement voir leur invention devenir une réalité clinique. 

Des projets se sont-ils déjà concrétisés ici ?

Une start-up avait effectivement déjà été créée à l’initiative du Docteur Charam Khosrovaninejad, chirurgien viscéral et digestif à la clinique Fontvert de Sorgues, qui a développé un dispositif permettant d’éviter le recours aux poches de stomie après une opération du côlon. Pas moins d’une vingtaine de dossiers ont été déposés à ce jour auprès de MD Start, preuve, s’il en est, que l’intérêt est bien réel sur le terrain. Sur un registre complémentaire, nous avons également initié une démarche d’intrapreneuriat, visant à soutenir les projets innovants développés par les professionnels de nos établissements, tous métiers confondus. Certaines initiatives nées en interne, par exemple autour de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) et de la responsabilité sociale et environnementale (RSE), ont d’ailleurs été très remarquées.

Ces deux thématiques semblent aujourd’hui particulièrement intéresser les innovateurs…

C’est également le cas au sein du groupe ELSAN, où la direction de la QVCT est très proactive. Il y a environ deux ans, elle a par exemple déployé un outil pour colliger les accidents de travail et mettre ainsi en œuvre des plans d’action adaptés. Un programme qui nous a une fois de plus permis d’observer que l’innovation pouvait, aussi, être simple et pragmatique. D’ailleurs, si je devais résumer la politique d’innovation du groupe ELSAN, j’évoquerais en premier lieu la recherche de solutions pragmatiques et rapidement impactantes. Une fois leur intérêt en vie réelle validé avec les utilisateurs eux-mêmes, nous mobilisons les ressources nécessaires pour assurer un déploiement et une adoption rapides. Cette double approche, à la fois collaborative et très structurée, est à mon sens essentielle pour que les innovations s’intègrent aux usages et soient véritablement pérennes.

> Article publié dans l'édition de septembre d'Hospitalia à lire ici.

 






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