Le CHU de Bordeaux porte plusieurs initiatives pionnières en matière de soutien à l’innovation en santé. Pourriez-vous nous en parler ?
Gilles Duluc : Constatant la persistance de barrières avec le monde économique et industriel, le CHU de Bordeaux s’est tout d’abord attelé à créer des lieux de partage et d’échanges sur les attentes réciproques, les visions mais aussi les difficultés prioritaires à lever pour obtenir des avancées concrètes à court ou moyen terme. Cette démarche a eu lieu tant vis-à-vis de la communauté des cliniciens-chercheurs bordelais, que de nos partenaires. Pour favoriser ces échanges et préparer des partenariats pérennes, le CHU de Bordeaux a donc créé le Cercle de l’Innovation, sous l’impulsion de Yann Bubien, alors Directeur Général du CHU, et du Pr Nicolas Grenier, Président de la Commission Médicale d’Établissement à cette époque.
La dynamique s’est ensuite rapidement élargie à travers la marque Station Santé…
Oui, le Cercle de l’innovation a donné la visibilité et l’impulsion initiales nécessaires, mais il est rapidement apparu indispensable d’incarner et d’enraciner au CHU cette approche plus horizontale du développement de l’innovation. Cette seconde phase, plus complexe à mener au regard des impératifs de conduite du changement et de transformation de nos modes de gestion et de décision, a aussi été plus longue à structurer. Cela est effectivement passé en partie par la création d’une marque « ombrelle » promouvant et valorisant la recherche et l’innovation des équipes du CHU : Station Santé. Station Santé incarne un engagement porté par toute l’institution.
Quels en étaient les objectifs ?
La démarche trouvait son sens dans la volonté interne de l’établissement de répondre aux besoins des patients et des équipes de soins et de recherche : accroître la visibilité de nos équipes de recherche, incarner la mission de recherche et d’innovation du CHU – comme de tous les CHU et établissements de santé au passage –, et irriguer tous les pans de notre stratégie d’établissement. Il nous a fallu commencer par cartographier et organiser les expertises et les compétences déjà présentes au sein de nos services et plateformes, pour les valoriser et pleinement les mobiliser dans notre stratégie de développement sur appels d’offres. Cette étape a été importante parce qu’elle a permis de légitimer notre action en faveur d’un travail plus direct avec nos équipes, et nos partenaires privés, pour leur permettre de tester concrètement, dans nos murs, les solutions en développement ou porter des programmes plus ambitieux et de long terme.
En parallèle, il a fallu aller chercher des leviers de développements suffisamment attractifs pour initier des partenariats autour de programmes scientifiques d’excellence…
Il s’agit là de la « phase » immergée. Nous n’avions pas les moyens suffisants pour déployer une stratégie de ce type par un investissement direct. Il a fallu passer au moins en partie par une croissance externe, via des appels d’offres ou des accords de partenariats. Cette phase a consisté à cartographier la chaîne de maturité en matière de R&D, et à chercher à occuper toutes les étapes du développement en positionnant, lorsque cela était pertinent, les équipes et les projets les plus matures pour l’étape concernée. Nous espérons que cela retentira dans un second temps – au cours des 5 à 10 ans à venir – sur des projets de recherche qui alimenteront, pour une nouvelle période, la stratégie de développement du CHU.
Vous avez également mené des actions spécifiques autour du volet Santé numérique. Pourriez-vous nous en parler ?
Oui, nous avons très tôt identifié des forces localement autour d’un axe « Prévention et prédiction numérique en santé », que nous avons structuré, et qui a été un véritable levier dans le montage de programmes de R&D ambitieux. Nous l’avons par la suite incarné à travers Station [E]-Santé, qui peut se voir comme une filière numérique de Station Santé. Nous avons ensuite capitalisé sur l’AAP Tiers lieu d’expérimentation de solution numérique en santé pour labelliser cette initiative avec une dimension territoriale forte et collaborative. Cette démarche nous permet à date d’occuper la totalité de la chaîne R&D, positionnant notre stratégie numérique de soutien à l’innovation comme une composante structurante du projet d’établissement du CHU de Bordeaux. Le travail n’est cependant pas terminé. Les démarches de transformation et d’accompagnement au changement de ce type prennent du temps. Nous avons obtenu de beaux résultats, mais il nous faut consolider notre dynamique.
Quels sont les bénéfices escomptés ?
Une meilleure identification des expertises au sein de nos équipes dans les services, et une meilleure compréhension mutuelle des attentes réciproques avec nos partenaires, ce qui nous permet d’être plus pertinents dans nos choix mais aussi dans nos réponses aux sollicitations. Cette méthode peut être parfois considérée comme imparfaitement alignée avec l’agenda des start-ups qui ont une nouvelle étape de développement tous les six mois environ. Mais nous privilégions la stabilité et le professionnalisme de nos réponses, à des annonces itératives de partenariats sans ancrage dans la pratique de nos services. Il en va de la pertinence des usages et des outils que nous proposerons au bénéfice des patients et des professionnels. Engager un partenariat de recherche et développement avec un acteur du numérique et de l’IA sans la direction du numérique, sans le pôle de santé publique ou encore sans la direction des soins pour les solutions dites de parcours, constituerait une erreur majeure. C’est une démarche sur laquelle nous capitalisons pour transformer en profondeur notre établissement.
Cette démarche collaborative s’illustre également à travers votre Entrepôt de données de santé (EDS). Que pourriez-vous nous en dire ?
Tout à fait, l’EDS est emblématique car il s’agit d’un programme recoupant la totalité des enjeux internes et externes de l’innovation et de la recherche. En interne, la capacité à analyser et à apprendre à partir de vastes ensembles de données réelles permet aux technologies – avec ou sans IA – de devenir plus précises, fiables et adaptées aux besoins cliniques spécifiques. Cette dynamique d'apprentissage est essentielle pour transformer la prise en charge des patients, améliorer les résultats de santé et optimiser les processus de soins. Opéré depuis 2015, l’EDS du CHU de Bordeaux se positionne donc comme une brique essentielle de sa stratégie de recherche, d’enseignement, d’innovation mais aussi de pilotage médico-économique, favorisant ainsi la médecine personnalisée, la recherche, et l'amélioration des pratiques de soins. Sur le volet externe, l’EDS est un formidable levier de coopération sur le territoire et avec nos partenaires privés.
Comment le CHU de Bordeaux a-t-il plus concrètement structuré ses collaborations autour de l’EDS ?
Le CHU s’est, tout d’abord, engagé dans une démarche territoriale avec les autres CHU du groupement de coopération sanitaire de Nouvelle-Aquitaine (GCS NOVA), Poitiers et Limoges, afin de permettre le développement d’EDS comparables et interopérables. Il s’est ensuite associé avec les partenaires (spin-off/start-ups) issus du campus hospitalo-universitaire, et avec les partenaires externes souhaitant accéder à son savoir-faire, dans un environnement sécurisé et conforme. À ce titre, plusieurs sociétés collaborent aujourd’hui dans le cadre de dispositifs privilégiés via un accès interne ou à distance. Conformément à la stratégie décrite précédemment, l’EDS est désormais le partenaire privilégié des programmes de R&D collaboratifs mis en œuvre à l’échelle du CHU. De cette manière, l’approche est totalement intégrée entre les équipes médicales, soignantes et techniques du CHU, et les partenaires de toutes tailles.
Gilles Duluc : Constatant la persistance de barrières avec le monde économique et industriel, le CHU de Bordeaux s’est tout d’abord attelé à créer des lieux de partage et d’échanges sur les attentes réciproques, les visions mais aussi les difficultés prioritaires à lever pour obtenir des avancées concrètes à court ou moyen terme. Cette démarche a eu lieu tant vis-à-vis de la communauté des cliniciens-chercheurs bordelais, que de nos partenaires. Pour favoriser ces échanges et préparer des partenariats pérennes, le CHU de Bordeaux a donc créé le Cercle de l’Innovation, sous l’impulsion de Yann Bubien, alors Directeur Général du CHU, et du Pr Nicolas Grenier, Président de la Commission Médicale d’Établissement à cette époque.
La dynamique s’est ensuite rapidement élargie à travers la marque Station Santé…
Oui, le Cercle de l’innovation a donné la visibilité et l’impulsion initiales nécessaires, mais il est rapidement apparu indispensable d’incarner et d’enraciner au CHU cette approche plus horizontale du développement de l’innovation. Cette seconde phase, plus complexe à mener au regard des impératifs de conduite du changement et de transformation de nos modes de gestion et de décision, a aussi été plus longue à structurer. Cela est effectivement passé en partie par la création d’une marque « ombrelle » promouvant et valorisant la recherche et l’innovation des équipes du CHU : Station Santé. Station Santé incarne un engagement porté par toute l’institution.
Quels en étaient les objectifs ?
La démarche trouvait son sens dans la volonté interne de l’établissement de répondre aux besoins des patients et des équipes de soins et de recherche : accroître la visibilité de nos équipes de recherche, incarner la mission de recherche et d’innovation du CHU – comme de tous les CHU et établissements de santé au passage –, et irriguer tous les pans de notre stratégie d’établissement. Il nous a fallu commencer par cartographier et organiser les expertises et les compétences déjà présentes au sein de nos services et plateformes, pour les valoriser et pleinement les mobiliser dans notre stratégie de développement sur appels d’offres. Cette étape a été importante parce qu’elle a permis de légitimer notre action en faveur d’un travail plus direct avec nos équipes, et nos partenaires privés, pour leur permettre de tester concrètement, dans nos murs, les solutions en développement ou porter des programmes plus ambitieux et de long terme.
En parallèle, il a fallu aller chercher des leviers de développements suffisamment attractifs pour initier des partenariats autour de programmes scientifiques d’excellence…
Il s’agit là de la « phase » immergée. Nous n’avions pas les moyens suffisants pour déployer une stratégie de ce type par un investissement direct. Il a fallu passer au moins en partie par une croissance externe, via des appels d’offres ou des accords de partenariats. Cette phase a consisté à cartographier la chaîne de maturité en matière de R&D, et à chercher à occuper toutes les étapes du développement en positionnant, lorsque cela était pertinent, les équipes et les projets les plus matures pour l’étape concernée. Nous espérons que cela retentira dans un second temps – au cours des 5 à 10 ans à venir – sur des projets de recherche qui alimenteront, pour une nouvelle période, la stratégie de développement du CHU.
Vous avez également mené des actions spécifiques autour du volet Santé numérique. Pourriez-vous nous en parler ?
Oui, nous avons très tôt identifié des forces localement autour d’un axe « Prévention et prédiction numérique en santé », que nous avons structuré, et qui a été un véritable levier dans le montage de programmes de R&D ambitieux. Nous l’avons par la suite incarné à travers Station [E]-Santé, qui peut se voir comme une filière numérique de Station Santé. Nous avons ensuite capitalisé sur l’AAP Tiers lieu d’expérimentation de solution numérique en santé pour labelliser cette initiative avec une dimension territoriale forte et collaborative. Cette démarche nous permet à date d’occuper la totalité de la chaîne R&D, positionnant notre stratégie numérique de soutien à l’innovation comme une composante structurante du projet d’établissement du CHU de Bordeaux. Le travail n’est cependant pas terminé. Les démarches de transformation et d’accompagnement au changement de ce type prennent du temps. Nous avons obtenu de beaux résultats, mais il nous faut consolider notre dynamique.
Quels sont les bénéfices escomptés ?
Une meilleure identification des expertises au sein de nos équipes dans les services, et une meilleure compréhension mutuelle des attentes réciproques avec nos partenaires, ce qui nous permet d’être plus pertinents dans nos choix mais aussi dans nos réponses aux sollicitations. Cette méthode peut être parfois considérée comme imparfaitement alignée avec l’agenda des start-ups qui ont une nouvelle étape de développement tous les six mois environ. Mais nous privilégions la stabilité et le professionnalisme de nos réponses, à des annonces itératives de partenariats sans ancrage dans la pratique de nos services. Il en va de la pertinence des usages et des outils que nous proposerons au bénéfice des patients et des professionnels. Engager un partenariat de recherche et développement avec un acteur du numérique et de l’IA sans la direction du numérique, sans le pôle de santé publique ou encore sans la direction des soins pour les solutions dites de parcours, constituerait une erreur majeure. C’est une démarche sur laquelle nous capitalisons pour transformer en profondeur notre établissement.
Cette démarche collaborative s’illustre également à travers votre Entrepôt de données de santé (EDS). Que pourriez-vous nous en dire ?
Tout à fait, l’EDS est emblématique car il s’agit d’un programme recoupant la totalité des enjeux internes et externes de l’innovation et de la recherche. En interne, la capacité à analyser et à apprendre à partir de vastes ensembles de données réelles permet aux technologies – avec ou sans IA – de devenir plus précises, fiables et adaptées aux besoins cliniques spécifiques. Cette dynamique d'apprentissage est essentielle pour transformer la prise en charge des patients, améliorer les résultats de santé et optimiser les processus de soins. Opéré depuis 2015, l’EDS du CHU de Bordeaux se positionne donc comme une brique essentielle de sa stratégie de recherche, d’enseignement, d’innovation mais aussi de pilotage médico-économique, favorisant ainsi la médecine personnalisée, la recherche, et l'amélioration des pratiques de soins. Sur le volet externe, l’EDS est un formidable levier de coopération sur le territoire et avec nos partenaires privés.
Comment le CHU de Bordeaux a-t-il plus concrètement structuré ses collaborations autour de l’EDS ?
Le CHU s’est, tout d’abord, engagé dans une démarche territoriale avec les autres CHU du groupement de coopération sanitaire de Nouvelle-Aquitaine (GCS NOVA), Poitiers et Limoges, afin de permettre le développement d’EDS comparables et interopérables. Il s’est ensuite associé avec les partenaires (spin-off/start-ups) issus du campus hospitalo-universitaire, et avec les partenaires externes souhaitant accéder à son savoir-faire, dans un environnement sécurisé et conforme. À ce titre, plusieurs sociétés collaborent aujourd’hui dans le cadre de dispositifs privilégiés via un accès interne ou à distance. Conformément à la stratégie décrite précédemment, l’EDS est désormais le partenaire privilégié des programmes de R&D collaboratifs mis en œuvre à l’échelle du CHU. De cette manière, l’approche est totalement intégrée entre les équipes médicales, soignantes et techniques du CHU, et les partenaires de toutes tailles.
Pourriez-vous citer d’autres réalisations notables issues de votre stratégie de soutien à l’innovation ?
Nous avons aujourd’hui une palette assez large de dispositifs de soutien à l’innovation. Plusieurs modalités d’accompagnement permettent d’évaluer l’intérêt clinique de solutions, valider leur adéquation avec les besoins des utilisateurs et leur intégration aux usages des professionnels et des usagers, mais aussi accélérer leur processus de mise sur le marché. Cela passe par une offre pluriprofessionnelle (numérique, santé publique, biomédicale, règlementaire). Toujours dans une optique collaborative, le CHU de Bordeaux a aussi massivement investi dans les programmes de recherche nationaux et européens. Sur les trois dernières années, nos équipes se sont positionnées sur des appels d’offres sur la totalité de la chaîne R&D, en coordonnant les projets présentant les TRL [Technology Readiness Level, une échelle permettant de mesurer le niveau de maturité technologique d’une solution donnée - NDLR] les plus avancés (BPi, RHU, Europe), ou en co-pilotant les autres (IHU, Chaires, ERC) aux côtés d’universités ou d’établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST).
À la lumière de votre expérience au CHU de Bordeaux, avez-vous identifié des leviers qui permettraient justement d’élargir cette dynamique à d’autres établissements ?
Tout d’abord, nous avons encore de nombreux progrès à faire au CHU de Bordeaux. Nous sommes au début du déploiement de notre stratégie qui s’étalera jusqu’à la fin du programme Nouvel Hôpital en 2030. L’expérience et le bilan que nous tirons de ces premières années démontrent qu’un choix fort de l’institution et un alignement des équipes (administratives et techniques, cliniques et de recherche) demeurent clé. Et c’est un travail de tous les jours. Ensuite, la difficulté principale réside dans la capacité à mettre en œuvre des programmes d’innovation sur le long terme : associer un souci permanent de consolidation de l’existant, tout en anticipant la préparation de nouveaux cycles d’innovation et de recherche plusieurs années à l’avance. Être dans le « faire » et le « concevoir » en même temps n’est pas toujours évident, d’autant plus avec le modèle de financement de la recherche et de l’innovation.
Sur notre territoire, nous avons réussi pour le moment à stabiliser de premières étapes clés en ouvrant des partenariats concrets avec nos partenaires immédiats – le « cycle court » de la recherche et de l’innovation, si j’ose dire : centres technologiques régionaux, TPE/PME, start-ups (dont spin-off du CHU), et établissements de santé du territoire. Certains partenariats ont été alimentés par de beaux succès aux appels d’offres et d’autres par des projets plus amont, mais tout aussi stratégiques. La suite s’écrira avec la convergence de nos travaux au plan des infrastructures, comme au plan de l’organisation et des compétences dont on se dotera collectivement.
Nous ne répèterons jamais assez que l’innovation est question de décisions concrètes, impliquant une part de risque, et de capacité à se réorganiser : questionner nos doctrines à la lumière de nos échanges quotidiens avec les services, questionner nos procédures, pour les simplifier et les rendre plus efficaces à court et moyen terme, en termes de délai, de qualité et de coûts. Une recherche comme une innovation efficaces se situent au carrefour de disciplines, de questionnements et de pratiques. C’est une donnée que nous n’intégrons pas encore suffisamment dans nos organisations.
Quid des enjeux exogènes ?
Ils sont multiples, à commencer par ceux se situant à la croisée de nos environnements. Entre établissements de santé et de recherche, nous devons être capables de faire des choix concrets pour rapprocher le plus possible la formalisation administrative de la réalité des pratiques de la recherche et de l’innovation. Nous ne pouvons pas continuer sur le long terme à négocier des clauses de propriété intellectuelle durant des mois entre institutions publiques, tout en poursuivant notre objectif de compétitivité. Dans un cadre légal et règlementaire connu, il y a ici des marges de manœuvre. Il faut une volonté et des décisions claires.
Entre les établissements de santé et de recherche d’une part, et le monde économique et industriel d’autre part, de nombreux progrès ont été faits ces dernières années pour améliorer notre connaissance mutuelle. La dynamique des CHU est remarquable de ce point de vue. À travers des initiatives comme le CHU Health Tech Connexion Day (dont la 3èmeédition se tiendra le 2 décembre 2024 à Lille, en partenariat avec France Biotech), les CHU ont radicalement transformé leur professionnalisme en la matière. Nous devons néanmoins aller plus loin. Se connaître et se comprendre est une première étape. Partager des stratégies communes pour accélérer la mise en œuvre de partenariats en est une autre, plus complexe. Et en la matière, des progrès restent à faire tant par les établissements que par les acteurs du monde économique et industriel.
> Article paru dans Hospitalia #66, édition de septembre 2024, à lire ici
Nous avons aujourd’hui une palette assez large de dispositifs de soutien à l’innovation. Plusieurs modalités d’accompagnement permettent d’évaluer l’intérêt clinique de solutions, valider leur adéquation avec les besoins des utilisateurs et leur intégration aux usages des professionnels et des usagers, mais aussi accélérer leur processus de mise sur le marché. Cela passe par une offre pluriprofessionnelle (numérique, santé publique, biomédicale, règlementaire). Toujours dans une optique collaborative, le CHU de Bordeaux a aussi massivement investi dans les programmes de recherche nationaux et européens. Sur les trois dernières années, nos équipes se sont positionnées sur des appels d’offres sur la totalité de la chaîne R&D, en coordonnant les projets présentant les TRL [Technology Readiness Level, une échelle permettant de mesurer le niveau de maturité technologique d’une solution donnée - NDLR] les plus avancés (BPi, RHU, Europe), ou en co-pilotant les autres (IHU, Chaires, ERC) aux côtés d’universités ou d’établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST).
À la lumière de votre expérience au CHU de Bordeaux, avez-vous identifié des leviers qui permettraient justement d’élargir cette dynamique à d’autres établissements ?
Tout d’abord, nous avons encore de nombreux progrès à faire au CHU de Bordeaux. Nous sommes au début du déploiement de notre stratégie qui s’étalera jusqu’à la fin du programme Nouvel Hôpital en 2030. L’expérience et le bilan que nous tirons de ces premières années démontrent qu’un choix fort de l’institution et un alignement des équipes (administratives et techniques, cliniques et de recherche) demeurent clé. Et c’est un travail de tous les jours. Ensuite, la difficulté principale réside dans la capacité à mettre en œuvre des programmes d’innovation sur le long terme : associer un souci permanent de consolidation de l’existant, tout en anticipant la préparation de nouveaux cycles d’innovation et de recherche plusieurs années à l’avance. Être dans le « faire » et le « concevoir » en même temps n’est pas toujours évident, d’autant plus avec le modèle de financement de la recherche et de l’innovation.
Sur notre territoire, nous avons réussi pour le moment à stabiliser de premières étapes clés en ouvrant des partenariats concrets avec nos partenaires immédiats – le « cycle court » de la recherche et de l’innovation, si j’ose dire : centres technologiques régionaux, TPE/PME, start-ups (dont spin-off du CHU), et établissements de santé du territoire. Certains partenariats ont été alimentés par de beaux succès aux appels d’offres et d’autres par des projets plus amont, mais tout aussi stratégiques. La suite s’écrira avec la convergence de nos travaux au plan des infrastructures, comme au plan de l’organisation et des compétences dont on se dotera collectivement.
Nous ne répèterons jamais assez que l’innovation est question de décisions concrètes, impliquant une part de risque, et de capacité à se réorganiser : questionner nos doctrines à la lumière de nos échanges quotidiens avec les services, questionner nos procédures, pour les simplifier et les rendre plus efficaces à court et moyen terme, en termes de délai, de qualité et de coûts. Une recherche comme une innovation efficaces se situent au carrefour de disciplines, de questionnements et de pratiques. C’est une donnée que nous n’intégrons pas encore suffisamment dans nos organisations.
Quid des enjeux exogènes ?
Ils sont multiples, à commencer par ceux se situant à la croisée de nos environnements. Entre établissements de santé et de recherche, nous devons être capables de faire des choix concrets pour rapprocher le plus possible la formalisation administrative de la réalité des pratiques de la recherche et de l’innovation. Nous ne pouvons pas continuer sur le long terme à négocier des clauses de propriété intellectuelle durant des mois entre institutions publiques, tout en poursuivant notre objectif de compétitivité. Dans un cadre légal et règlementaire connu, il y a ici des marges de manœuvre. Il faut une volonté et des décisions claires.
Entre les établissements de santé et de recherche d’une part, et le monde économique et industriel d’autre part, de nombreux progrès ont été faits ces dernières années pour améliorer notre connaissance mutuelle. La dynamique des CHU est remarquable de ce point de vue. À travers des initiatives comme le CHU Health Tech Connexion Day (dont la 3èmeédition se tiendra le 2 décembre 2024 à Lille, en partenariat avec France Biotech), les CHU ont radicalement transformé leur professionnalisme en la matière. Nous devons néanmoins aller plus loin. Se connaître et se comprendre est une première étape. Partager des stratégies communes pour accélérer la mise en œuvre de partenariats en est une autre, plus complexe. Et en la matière, des progrès restent à faire tant par les établissements que par les acteurs du monde économique et industriel.
> Article paru dans Hospitalia #66, édition de septembre 2024, à lire ici