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Imagerie

En imagerie médicale, une révolution technologique qui continue de s'accélérer


Rédigé par Joëlle Hayek le Lundi 20 Novembre 2023 à 10:57 | Lu 1864 fois


Ingénieur biomédical aux Hospices Civils de Lyon, Benoît Fondeur copilote le groupe de travail constitué par l’Association française des ingénieurs biomédicaux (AFIB) autour de l’imagerie médicale. Il nous propose un tour d’horizon des principales évolutions technologiques de la spécialité et des enjeux soulevés pour favoriser leur intégration aux pratiques, tout en optimisant les coûts d’investissements.



En imagerie médicale, une révolution technologique qui continue de s'accélérer
Sur quelles thématiques travaillez-vous aujourd’hui ? 

Benoît Fondeur : Fédérant une douzaine de membres de l’AFIB, le groupe Imagerie – que je co-pilote avec Florence Savoye (Hôpitaux Universitaires de Genève) – se concentre chaque année sur des thématiques faisant l’objet de travaux approfondis. Les ressources que nous produisons sont très utiles à nos confrères et collègues, tenus de disposer des connaissances nécessaires pour faire les bons choix technologiques, les associer aux bons processus et, plus globalement, rationaliser les investissements effectués par les établissements où ils exercent. En 2022, nous nous sommes par exemple penchés sur les techniques interventionnelles guidées par l’imagerie et, dans une moindre mesure, sur le post-traitement des images par intelligence artificielle. En 2023, nous nous sommes plutôt orientés sur l’échographie, y compris en ce qui concerne ses applications hors imagerie médicale, tout en continuant de travailler sur la radiologie conventionnelle, qui connaît aujourd’hui des développements importants. 

Justement, quelles sont les principales avancées observées sur le champ de l’imagerie médicale ?

J’évoquerai en premier lieu, et sans surprise, l’intelligence artificielle, dont l’arrivée a été fortement ressentie à partir des années 2018-2019. Les images étaient encore acquises de façon traditionnelle, l’IA n’intervenant alors que pour le post-traitement des données brutes avant leur enregistrement sur le PACS et leur lecture par le radiologue. Les pratiques ont depuis évolué et, depuis 2020-2021, l’IA est aussi utilisée en amont de l’acquisition des images, par exemple pour assister le manipulateur dans le bon positionnement du patient, ou guider un geste interventionnel. La technologie a en outre désormais des applications durant la phase d’acquisition, en particulier en IRM pour le remplissage de l’espace de Fourier. L’IA joue également un rôle plus actif dans le cadre du workflow post-traitement, avec une première lecture effectuée par l’algorithme avant l’analyse formelle des radiologues lorsque les images sont disponibles dans le PACS. Cet appui technologique est à la fois utile pour les radiologues, dont une partie du travail peut être automatisée ou qui peuvent ainsi prioriser les dossiers les plus urgents, que pour d’autres spécialités comme les médecins urgentistes. Il peut également contribuer à limiter d’éventuelles erreurs pouvant retarder la prise en charge des patients.

D’autres constats, par exemple en termes de précision des images ?

C’est effectivement un champ connaissant des avancées constantes. Par exemple, les images d’une IRM 1,5 Tesla débruitée par IA s’approchent aujourd’hui de la qualité de celles d’une IRM 3 Tesla il y a seulement cinq ans. Ce gain de précision est synonyme de gain financier pour les établissements de santé, qui peuvent ainsi disposer d’équipements à la fois moins onéreux à l’achat et plus polyvalents. Nous commençons en outre à voir arriver des IRM 7 Tesla, dont la précision est sans commune mesure avec les solutions déployées aujourd’hui. Leur démocratisation, à terme, laisse entrevoir de nouvelles applications cliniques, que nous cherchons déjà à anticiper. Sur un autre registre, le marché des IRM prend désormais un virage plus durable, avec le développement de plusieurs programmes de récupération des aimants.

Pourriez-vous nous en parler ?

Classiquement, les forfaits techniques alloués par les tutelles imposent de changer les équipements d’imagerie lourde tous les 7 ans. Cela est très spécifique à la France. Aux États-Unis par exemple, les équipements sont utilisés bien au-delà de cette limite. Ce qui veut dire qu’après 7 ans d’utilisation, il faut non seulement démonter l’IRM, mais aussi la cage de Faraday autour de l’aimant supraconducteur, avant de tout réinstaller. Or, d’après les constructeurs eux-mêmes, un aimant peut durer jusqu’à 20 ans. Aussi sont-ils de plus en plus nombreux à proposer des programmes d’upgrade avec conservation d’aimant, ce qui réduit de 15 à 30 % le coût d’achat de l’IRM – sans oublier les économies liées aux travaux sur la cage de Faraday. Ce processus est désormais considéré comme équivalent à un changement d’équipement par de plus en plus d’Agences régionales de santé (ARS), et permet donc de remettre à zéro les compteurs du forfait technique. Cela dit, il faudrait peut-être s’interroger sur la pertinence de ce forfait technique minoré au bout de 7 ans, alors que les capacités d’investissement des établissements de santé sont réduites du fait des tensions sur leur budget de fonctionnement, et qu’ils sont en parallèle incités à réduire leur impact environnemental.

Ces avancées et nouvelles dynamiques ont-elles un impact sur le métier d’ingénieur biomédical ?

Naturellement, car je le disais, celui-ci est tenu de trouver une solution qui répondra à la fois aux besoins médicaux et aux contraintes en termes de maîtrise des coûts. Il lui faut donc disposer d’une vision transversale sur les organisations, les enjeux et les ressources spécifiques à son établissement, pour orienter le choix dans la meilleure direction. Il a également un rôle à jouer dans le bon positionnement d’une technologie par rapport aux flux de travail réels. Par exemple, dans un établissement souhaitant prendre le virage de l’IA et confronté à une pénurie de manipulateurs – une situation aujourd’hui fréquente –, il préconisera de déployer l’algorithme en amont de l’acquisition des images, car l’aide au positionnement permettra ainsi de réaliser plus d’examens à effectifs constants. Pour résumer, l’ingénieur biomédical va contribuer à optimiser un investissement hospitalier, car il n’existe pas, ici, d’arbre décisionnel applicable tel quel partout. C’est dans sa maîtrise des paramètres locaux, et dans sa capacité à les croiser avec sa connaissance des technologies existantes et de leur potentiel applicatif, que réside toute sa valeur ajoutée.

> Article publié dans l'édition de septembre d'Hospitalia à lire ici.
 






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