Quels sont à votre sens les marqueurs de l’hôpital de demain ?
Jean-Yves Robin : S’il y en a plusieurs, le premier consiste à penser le Système d’Information Hospitalier (SIH) comme une composante du Système d’Information (SI) du parcours patient. Considérer le SIH et le SI des soins ambulatoires comme deux mondes distincts ne fait en effet plus sens à l’heure des organisations des soins recentrées autour des territoires et des patients, qui imposent donc de décloisonner les établissements de santé et de les ouvrir sur la ville et le secteur médico-social. Cette vision est aujourd’hui inscrite au cœur du programme e-Parcours et des nouveaux indicateurs du programme HOP’EN – lesquels portent sur l’échange et le partage des données produites par les hôpitaux. Sa concrétisation reste toutefois lente, même si elle a été initiée dès 2010 par la DMP Compatibilité. La problématique est d’ailleurs plus systémique que technique : la tutelle de l’État ne s’exerce pas sur les SI ambulatoires, pilotés avec une relative autonomie par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) ; mais elle s’applique de façon plus marquée aux SI hospitaliers. Ce « bicéphalisme » historique des pouvoirs publics est certainement ce qui a le plus miné la gouvernance nationale du numérique en santé.
Quel est l’impact concret de cette situation ?
Il existe un défaut de coordination qui se corrige lentement, mais se traduit encore par un déficit du modèle d’urbanisation général du SI de santé – qui peine à s’inscrire dans une approche transversale. Ce constat, formulé depuis déjà près de deux décennies, n’a toujours pas trouvé de réponses satisfaisantes. Dans leur rapport « Accélérer le virage numérique », Dominique Pon et Annelore Coury ont remis en lumière, à juste titre, la nécessité d’une gouvernance à même de favoriser et d’accompagner cette urbanisation. En effet, seul un chef d’orchestre unique pourra assurer une articulation pertinente entre les projets menés à l’échelle nationale et définir avec précision le rôle des différents acteurs, y compris régionaux. Les pouvoirs publics sont semble-t-il en train de prendre la pleine mesure de cet enjeu, puisque cette ambition a été récemment inscrite dans la feuille de route dévoilée par le Ministère(2).
Jean-Yves Robin : S’il y en a plusieurs, le premier consiste à penser le Système d’Information Hospitalier (SIH) comme une composante du Système d’Information (SI) du parcours patient. Considérer le SIH et le SI des soins ambulatoires comme deux mondes distincts ne fait en effet plus sens à l’heure des organisations des soins recentrées autour des territoires et des patients, qui imposent donc de décloisonner les établissements de santé et de les ouvrir sur la ville et le secteur médico-social. Cette vision est aujourd’hui inscrite au cœur du programme e-Parcours et des nouveaux indicateurs du programme HOP’EN – lesquels portent sur l’échange et le partage des données produites par les hôpitaux. Sa concrétisation reste toutefois lente, même si elle a été initiée dès 2010 par la DMP Compatibilité. La problématique est d’ailleurs plus systémique que technique : la tutelle de l’État ne s’exerce pas sur les SI ambulatoires, pilotés avec une relative autonomie par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) ; mais elle s’applique de façon plus marquée aux SI hospitaliers. Ce « bicéphalisme » historique des pouvoirs publics est certainement ce qui a le plus miné la gouvernance nationale du numérique en santé.
Quel est l’impact concret de cette situation ?
Il existe un défaut de coordination qui se corrige lentement, mais se traduit encore par un déficit du modèle d’urbanisation général du SI de santé – qui peine à s’inscrire dans une approche transversale. Ce constat, formulé depuis déjà près de deux décennies, n’a toujours pas trouvé de réponses satisfaisantes. Dans leur rapport « Accélérer le virage numérique », Dominique Pon et Annelore Coury ont remis en lumière, à juste titre, la nécessité d’une gouvernance à même de favoriser et d’accompagner cette urbanisation. En effet, seul un chef d’orchestre unique pourra assurer une articulation pertinente entre les projets menés à l’échelle nationale et définir avec précision le rôle des différents acteurs, y compris régionaux. Les pouvoirs publics sont semble-t-il en train de prendre la pleine mesure de cet enjeu, puisque cette ambition a été récemment inscrite dans la feuille de route dévoilée par le Ministère(2).
Jean-Yves Robin
Sur le plan technique, cette urbanisation doit également pouvoir s’appuyer sur un référentiel d’interopérabilité unique.
Celui-ci fait encore défaut. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé ! En 2010, l’ASIP Santé publiait une première version du cadre d’interopérabilité fixant les règles d’une informatique communicante, et qui a depuis été régulièrement mis à jour et élargi. Mais les acteurs de santé comme les éditeurs de logiciels n’ont pas été véritablement incités à s’en saisir. La même année avait été annoncée la création de l’Identifiant National de Santé dont les textes d’application viennent seulement d’être publiés. La mise en œuvre de dispositifs alternatifs à la carte CPS pour faciliter l’authentification des professionnels de santé est, pour sa part, dans les cartons depuis 2013 – elle avait d’ailleurs été inscrite dans la loi HPST de 2009. Ces chantiers sont désormais adressés frontalement par la feuille de route ministérielle(3). Nous n’en avons pas moins perdu plusieurs années…
Quels sont à votre sens les principaux points de vigilance ?
Il faudrait être attentif à ce que les grands projets ne masquent pas les actions essentielles, et structurantes, à mener en amont : stratégie d’urbanisation et donc mise en œuvre d’une gouvernance unifiée, création de référentiels communs, financement et animation de l’écosystème e-santé, stratégie de régionalisation après avoir rendu les principaux référentiels opposables afin de ne pas multiplier les standards. L’espace numérique de santé ou le Health Data Hub sont des projets ambitieux, qui auront un impact certainement positif sur les SIH et contribueront à l’avènement de l’hôpital de demain ; mais il faut procéder dans l’ordre de manière à les inscrire dans une approche véritablement cadencée. L’espace numérique de santé ne permettra en effet pas de générer des référentiels de façon spontanée. Pourtant ceux-ci sont nécessaires pour assurer sa pérennité, ainsi que nous l’avons vu avec les projets Territoires de Soins Numériques (TSN) qui ont eu un impact systémique assez faible : l’enjeu de l’urbanisation n’ayant pas été résolu en amont, peu de réalisations sont aujourd’hui duplicables. La question du fameux « passage à l’échelle » reste centrale. D’où la nécessité d’une gouvernance capable de coordonner ces différents chantiers pour éviter les balbutiements, et d’une étroite concertation avec les acteurs économiques. C’est là un autre point de vigilance.
Comment cela ?
La Délégation à la Stratégie des Systèmes d’Information de Santé (DSSIS) (4), qui avait justement été créée pour préparer les orientations nationales de la e-santé en lien étroit avec les directions du Ministère, la CNAM, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) ou encore les Agences Régionales de Santé (ARS), n’a dans les faits eu aucun levier pour résoudre les problèmes de coordination entre l’État et la CNAM évoqués précédemment. L’exercice s’est in fine limité à des hésitations sans aller au bout de la démarche – à savoir élaborer un plan d’urbanisation qui soit clair et surtout logique. Les différents projets nationaux ont continué de se superposer sans réelle cohérence. À titre d’exemple, aucune articulation n’est encore prévue entre le Dossier Pharmaceutique, pourtant généralisé dans les pharmacies d’officine dès 2008, et le Dossier Médical Partagé (DMP), alors même qu’elle est prévue dans la loi et que les professionnels y sont notoirement favorables !
Toutes ces questions portent essentiellement sur la prise en charge des patients et la coordination des soins. Or la santé numérique dépasse ce seul cadre.
Elle permet en effet d’adresser également les besoins de la recherche et de l’évaluation, en particulier avec l’exploitation des données de masse grâce à l’intelligence artificielle (IA) et les technologies algorithmiques. Il faut, pour cela, non seulement produire des données de qualité, mais aussi les rendre accessibles, exploitables à grande échelle. Se pose donc la question de l’interopérabilité sémantique, pour laquelle il n’existe, une fois de plus, pas de référentiel unique hormis quelques tentatives déjà anciennes, comme les comptes rendus de RCP ou le Volet médical de synthèse. Ces enjeux sont au cœur du projet de Health Data Hub, dont le décret d’application devra préciser les modalités qui permettront de justement organiser cette accessibilité et cette exploitabilité à des fins de recherche et de santé publique. C’est un projet aussi majeur que complexe qui réclamera sans aucun doute du courage politique le moment venu.
Quels seraient ici les écueils à éviter ?
Je ne prétends pas les connaître tous. L’ouverture des données de santé représente un réel changement de paradigme, presque une révolution culturelle : les données du PMSI étaient par exemple plus facilement accessibles il y a dix ans qu’aujourd’hui, et le Système National des Données de Santé (SNDS) créé en 2017 n’a pas fondamentalement changé la donne. À peine née, cette structure devra d’ailleurs céder sa place au Health Data Hub, ce qui fait une fois de plus l’effet d’une perte de temps et d’énergie. Peut-être aurait-il fallu prendre le temps d’approfondir la réflexion en amont… La loi de janvier 2016 n’aura guère été fructueuse en matière de numérique de santé. D’autant que des interrogations subsistent, par exemple sur la manière de faire converger les nombreux entrepôts de données créés par les établissements de soins avec le Health Data Hub, ou sur les moyens et les modalités d’évaluation de cette initiative majeure.
Plus que le Health Data Hub, le véritable défi a trait à la constitution d’une filière IA en santé, en écho aux recommandations du rapport Villani. Comment vous positionnez-vous ici ?
Cette filière, qui représente effectivement un pari sur l’avenir, sera pour l’essentiel portée par les industriels. C’est en tout cas ce que l’on constate ailleurs dans le monde. Or le modèle économique qui permettra justement de soutenir l’innovation industrielle n’est à ce jour pas clair. Il reste donc à définir, y compris et surtout pour les acteurs qui devraient en être partie prenante comme les producteurs de ces données, à savoir les professionnels de santé. L’identification des différents interlocuteurs est pour sa part malaisée. Comment faire de l’État-plateforme un véritable accélérateur de start-ups ? Enfin, les technologies de l’IA, leurs modèles économiques et les entreprises compétentes en la matière sont loin d’être sectoriels, et c’est là le deuxième écueil. La santé doit impérativement se désenclaver.
Qu’entendez-vous par là ?
Les applications de l’IA ne se réduisent pas à la santé. Il faudrait donc sortir de la seule sphère du Ministère de la santé et impliquer plus fortement tous les services de l’État œuvrant en faveur de la transformation numérique. Pourquoi, d’ailleurs, ne pas rattacher la délégation du numérique en santé à une structure de coordination interministérielle, afin de faire rimer santé numérique et État numérique, et raccrocher la première à la stratégie nationale commune ? Les infrastructures d’identité numérique et de cloud sécurisé vont être très utiles au développement de la e-santé. Une meilleure cohérence d’ensemble ne sera pas sans bénéfices. La tradition de fonctionnement en silos qui a longtemps caractérisé notre pays n’est plus pertinente eu égard aux enjeux à venir et aux moyens modestes dont nous disposons. Une fois de plus, le changement sera en premier lieu culturel : il nous faut commencer par poser des bases solides pour justement pouvoir adresser les fondamentaux qui contribueront à l’avènement de l’hôpital, et plus globalement du système de santé, de demain. C’est d’ailleurs le défi passionnant que se propose de relever « Ma Santé 2022 ».
Contact : jean-yves.robin@lmbventure.com
1 - Notamment Santé, l’urgence numérique (Éditions L’Harmattan, 2014). Il a également contribué à l’ouvrage collectif dirigé par Cédric Villani et Bernard Nordlinger, Santé et Intelligence artificielle (Éditions du CNRS, 2018).
2 - D’après la feuille de route « Accélérer le virage numérique » dévoilée le 25 avril dernier, « le pilotage de l’ensemble des chantiers de transformation numérique sera assuré par la délégation ministérielle du numérique en santé », soit Dominique Pon (responsable) et Laura Létourneau (déléguée). Le pilotage opérationnel sera quant à lui confié à l’Agence du Numérique en Santé, ex-ASIP Santé.
3 - La même feuille de route prévoit d’intensifier la sécurité et l’interopérabilité des systèmes d’information en santé, à travers notamment la généralisation d’une identification unique issue d’un même référentiel national, la dématérialisation des moyens d’authentification, le déploiement accéléré de l’Identifiant national de santé ou encore le lancement « d’une étude sur l’opposabilité des référentiels d’interopérabilité communs ».
4 - La DSSIS sera supprimée au profit de la Délégation ministérielle du numérique en santé. Celle-ci intègrera ainsi une partie de la DSSIS actuelle, ainsi que la délégation au service public d’informatique en santé (SPIS).
Celui-ci fait encore défaut. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé ! En 2010, l’ASIP Santé publiait une première version du cadre d’interopérabilité fixant les règles d’une informatique communicante, et qui a depuis été régulièrement mis à jour et élargi. Mais les acteurs de santé comme les éditeurs de logiciels n’ont pas été véritablement incités à s’en saisir. La même année avait été annoncée la création de l’Identifiant National de Santé dont les textes d’application viennent seulement d’être publiés. La mise en œuvre de dispositifs alternatifs à la carte CPS pour faciliter l’authentification des professionnels de santé est, pour sa part, dans les cartons depuis 2013 – elle avait d’ailleurs été inscrite dans la loi HPST de 2009. Ces chantiers sont désormais adressés frontalement par la feuille de route ministérielle(3). Nous n’en avons pas moins perdu plusieurs années…
Quels sont à votre sens les principaux points de vigilance ?
Il faudrait être attentif à ce que les grands projets ne masquent pas les actions essentielles, et structurantes, à mener en amont : stratégie d’urbanisation et donc mise en œuvre d’une gouvernance unifiée, création de référentiels communs, financement et animation de l’écosystème e-santé, stratégie de régionalisation après avoir rendu les principaux référentiels opposables afin de ne pas multiplier les standards. L’espace numérique de santé ou le Health Data Hub sont des projets ambitieux, qui auront un impact certainement positif sur les SIH et contribueront à l’avènement de l’hôpital de demain ; mais il faut procéder dans l’ordre de manière à les inscrire dans une approche véritablement cadencée. L’espace numérique de santé ne permettra en effet pas de générer des référentiels de façon spontanée. Pourtant ceux-ci sont nécessaires pour assurer sa pérennité, ainsi que nous l’avons vu avec les projets Territoires de Soins Numériques (TSN) qui ont eu un impact systémique assez faible : l’enjeu de l’urbanisation n’ayant pas été résolu en amont, peu de réalisations sont aujourd’hui duplicables. La question du fameux « passage à l’échelle » reste centrale. D’où la nécessité d’une gouvernance capable de coordonner ces différents chantiers pour éviter les balbutiements, et d’une étroite concertation avec les acteurs économiques. C’est là un autre point de vigilance.
Comment cela ?
La Délégation à la Stratégie des Systèmes d’Information de Santé (DSSIS) (4), qui avait justement été créée pour préparer les orientations nationales de la e-santé en lien étroit avec les directions du Ministère, la CNAM, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) ou encore les Agences Régionales de Santé (ARS), n’a dans les faits eu aucun levier pour résoudre les problèmes de coordination entre l’État et la CNAM évoqués précédemment. L’exercice s’est in fine limité à des hésitations sans aller au bout de la démarche – à savoir élaborer un plan d’urbanisation qui soit clair et surtout logique. Les différents projets nationaux ont continué de se superposer sans réelle cohérence. À titre d’exemple, aucune articulation n’est encore prévue entre le Dossier Pharmaceutique, pourtant généralisé dans les pharmacies d’officine dès 2008, et le Dossier Médical Partagé (DMP), alors même qu’elle est prévue dans la loi et que les professionnels y sont notoirement favorables !
Toutes ces questions portent essentiellement sur la prise en charge des patients et la coordination des soins. Or la santé numérique dépasse ce seul cadre.
Elle permet en effet d’adresser également les besoins de la recherche et de l’évaluation, en particulier avec l’exploitation des données de masse grâce à l’intelligence artificielle (IA) et les technologies algorithmiques. Il faut, pour cela, non seulement produire des données de qualité, mais aussi les rendre accessibles, exploitables à grande échelle. Se pose donc la question de l’interopérabilité sémantique, pour laquelle il n’existe, une fois de plus, pas de référentiel unique hormis quelques tentatives déjà anciennes, comme les comptes rendus de RCP ou le Volet médical de synthèse. Ces enjeux sont au cœur du projet de Health Data Hub, dont le décret d’application devra préciser les modalités qui permettront de justement organiser cette accessibilité et cette exploitabilité à des fins de recherche et de santé publique. C’est un projet aussi majeur que complexe qui réclamera sans aucun doute du courage politique le moment venu.
Quels seraient ici les écueils à éviter ?
Je ne prétends pas les connaître tous. L’ouverture des données de santé représente un réel changement de paradigme, presque une révolution culturelle : les données du PMSI étaient par exemple plus facilement accessibles il y a dix ans qu’aujourd’hui, et le Système National des Données de Santé (SNDS) créé en 2017 n’a pas fondamentalement changé la donne. À peine née, cette structure devra d’ailleurs céder sa place au Health Data Hub, ce qui fait une fois de plus l’effet d’une perte de temps et d’énergie. Peut-être aurait-il fallu prendre le temps d’approfondir la réflexion en amont… La loi de janvier 2016 n’aura guère été fructueuse en matière de numérique de santé. D’autant que des interrogations subsistent, par exemple sur la manière de faire converger les nombreux entrepôts de données créés par les établissements de soins avec le Health Data Hub, ou sur les moyens et les modalités d’évaluation de cette initiative majeure.
Plus que le Health Data Hub, le véritable défi a trait à la constitution d’une filière IA en santé, en écho aux recommandations du rapport Villani. Comment vous positionnez-vous ici ?
Cette filière, qui représente effectivement un pari sur l’avenir, sera pour l’essentiel portée par les industriels. C’est en tout cas ce que l’on constate ailleurs dans le monde. Or le modèle économique qui permettra justement de soutenir l’innovation industrielle n’est à ce jour pas clair. Il reste donc à définir, y compris et surtout pour les acteurs qui devraient en être partie prenante comme les producteurs de ces données, à savoir les professionnels de santé. L’identification des différents interlocuteurs est pour sa part malaisée. Comment faire de l’État-plateforme un véritable accélérateur de start-ups ? Enfin, les technologies de l’IA, leurs modèles économiques et les entreprises compétentes en la matière sont loin d’être sectoriels, et c’est là le deuxième écueil. La santé doit impérativement se désenclaver.
Qu’entendez-vous par là ?
Les applications de l’IA ne se réduisent pas à la santé. Il faudrait donc sortir de la seule sphère du Ministère de la santé et impliquer plus fortement tous les services de l’État œuvrant en faveur de la transformation numérique. Pourquoi, d’ailleurs, ne pas rattacher la délégation du numérique en santé à une structure de coordination interministérielle, afin de faire rimer santé numérique et État numérique, et raccrocher la première à la stratégie nationale commune ? Les infrastructures d’identité numérique et de cloud sécurisé vont être très utiles au développement de la e-santé. Une meilleure cohérence d’ensemble ne sera pas sans bénéfices. La tradition de fonctionnement en silos qui a longtemps caractérisé notre pays n’est plus pertinente eu égard aux enjeux à venir et aux moyens modestes dont nous disposons. Une fois de plus, le changement sera en premier lieu culturel : il nous faut commencer par poser des bases solides pour justement pouvoir adresser les fondamentaux qui contribueront à l’avènement de l’hôpital, et plus globalement du système de santé, de demain. C’est d’ailleurs le défi passionnant que se propose de relever « Ma Santé 2022 ».
Contact : jean-yves.robin@lmbventure.com
1 - Notamment Santé, l’urgence numérique (Éditions L’Harmattan, 2014). Il a également contribué à l’ouvrage collectif dirigé par Cédric Villani et Bernard Nordlinger, Santé et Intelligence artificielle (Éditions du CNRS, 2018).
2 - D’après la feuille de route « Accélérer le virage numérique » dévoilée le 25 avril dernier, « le pilotage de l’ensemble des chantiers de transformation numérique sera assuré par la délégation ministérielle du numérique en santé », soit Dominique Pon (responsable) et Laura Létourneau (déléguée). Le pilotage opérationnel sera quant à lui confié à l’Agence du Numérique en Santé, ex-ASIP Santé.
3 - La même feuille de route prévoit d’intensifier la sécurité et l’interopérabilité des systèmes d’information en santé, à travers notamment la généralisation d’une identification unique issue d’un même référentiel national, la dématérialisation des moyens d’authentification, le déploiement accéléré de l’Identifiant national de santé ou encore le lancement « d’une étude sur l’opposabilité des référentiels d’interopérabilité communs ».
4 - La DSSIS sera supprimée au profit de la Délégation ministérielle du numérique en santé. Celle-ci intègrera ainsi une partie de la DSSIS actuelle, ainsi que la délégation au service public d’informatique en santé (SPIS).