Dans quel contexte le Think Tank « Health & Tech » avait-il vu le jour ?
Anne-Marie Armanteras : Ce Think Tank issu du Cercle des Décideurs en Santé avait été créé en 2011 pour faire émerger, dans le débat public, une prise de conscience des enjeux liés au déploiement des technologies numériques dans le secteur de la santé et de l’autonomie. Il organise à cet égard des rencontres régulières, centrées sur des thématiques précises ou des personnalités du monde de la santé, afin de faire réfléchir et travailler ensemble tous ceux engagés dans la promotion de l’innovation numérique en santé. Nous fédérons d’ailleurs aujourd'hui plus de 350 membres, tous convaincus qu’il s’agit là d’une opportunité majeure pour accélérer la transformation de notre système de santé.
Justement, quels sont les profils regroupés au sein du Think Tank ?
L’on y trouve aussi bien des professionnels de santé exerçant dans des hôpitaux, des cliniques et des groupes privés, que des associations de patients, des industriels, des mutuelles et des acteurs institutionnels, tels que des agences du ministère de la Santé et des services de direction d'administrations centrales. Toute la force de notre Think Tank réside dans cette diversité des profils et des approches. Les industriels, les développeurs, les inventeurs, les soignants, les usagers se côtoient et se retrouvent autour d’objectifs partagés, au bénéfice du monde de la santé mais aussi du secteur médico-social – car c’est également un sujet sur lequel nous travaillons.
Quel est votre principal mode de fonctionnement ?
Notre Think Tank se veut un véritable lieu de rencontre dédié au numérique en santé, et s’attèle donc à favoriser les échanges autour de cet enjeu. Par exemple, nous avons récemment reçu Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, Thomas Fatome, directeur général de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, ou encore Lise Alter, directrice générale de l’Agence de l’Innovation en Santé. Ces sessions de travail, uniquement ouvertes à nos adhérents, s’inscrivent dans un cadre plus large, celui des cycles de réflexion que nous menons chaque année sur une thématique bien précise.
Laquelle a été retenue pour la période 2022-2023 ?
Pour ma première année en tant que présidente, nous avons choisi de travailler sur la prévention, qui reste une grande oubliée malgré les avancées considérables réalisées ces dernières années en matière de santé numérique. Pourtant, entre la démographie des seniors et les maladies chroniques, il s’agit d’un enjeu devenu incontournable pour notre système de santé – et il le sera encore plus demain. Tous les stades de la prévention sont ici concernés, la prévention primaire, c’est-à-dire la promotion de la santé, la prévention secondaire, soit le dépistage, et la prévention tertiaire qui entend éviter l’aggravation d’une pathologie donnée. Or, j’en suis persuadée, le numérique peut apporter une aide indéniable dans le déroulement et la promotion des actes de prévention dans chacune de ces circonstances.
Quels sont les temps forts de ce nouveau cycle ?
Comme précisé plus haut, nous organisons principalement des sessions de travail réunissant à chaque fois une soixantaine de personnes. En ce qui concerne plus particulièrement le cycle 2022-2023, nous avons déjà organisé trois séminaires, chacun centré sur une question : « Comment les données peuvent-elles contribuer à la prévention ? », pour la première rencontre qui s’était tenue en novembre dernier ; « Avec la santé numérique, que peut-on prédire et que peut-on prévenir ? », pour celle de février ; et « Quelle organisation territoriale pour le suivi des citoyens/patients ? » pour la réunion de mars. En juin, un quatrième et dernier séminaire s’interrogera sur l’évaluation et le financement des outils et dispositifs numériques en santé pour les actes de prévention. À cette occasion, nous inviterons la Haute Autorité de Santé ainsi que plusieurs institutions de l’écosystème, comme la Banque Publique d’Investissement, l'Agence de l'Innovation en Santé, la Direction du Numérique en Santé… Une synthèse de ces travaux sera ensuite remise à François Braun, ministre des Solidarités et de la Santé, Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, et Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée en charge de l’Organisation territoriale et des Professions de santé.
Pourriez-vous évoquer plus en détail les raisons vous ayant poussés à relier numérique et prévention ?
Nous sommes convaincus que le numérique peut faire « pivoter » toutes les actions de prévention, tous stades confondus – qu’il s’agisse de simplement promouvoir une action de santé ou d’éviter qu’une pathologie installée ne s’aggrave. Et cette tendance est déjà perceptible au quotidien : podomètre intégré au smartphone, évaluation du rythme cardiaque via des montres connectées, partage de challenge sportif, surveillance de l’alimentation… les outils numériques se sont déjà intégrés dans nos vies. Mais le numérique appliqué à la prévention ne se limite pas à ces dispositifs pensés pour le grand public, car il peut également contribuer à conserver le capital santé des individus. Ce champ est par exemple exploré par plusieurs start-ups, qui développent des outils centrés sur la qualité de vie au travail, afin d'accompagner la mise en place des politiques de prévention du stress et des burn-out. Sur une échelle plus collective, la prévention doit aussi s’intéresser au concept de santé populationnelle, qui se concentre sur une ou plusieurs pathologies au sein d’un bassin de vie. Cette approche, qui commence à se développer en France, a nécessairement besoin de plateformes numériques pour notamment analyser les données populationnelles, mobiliser les professionnels de santé et faciliter leurs échanges avec les usagers, accélérer les recrutements au sein de programmes cliniques, etc. Alors certes, un tel virage nécessite avant tout une volonté politique affirmée, mais le numérique n’en représente pas moins un soutien indispensable.
Le numérique peut-il aider à un plus grand engagement du patient ?
Assurément ! Au-delà des gains en termes de fluidité et de coordination interprofessionnelle, la technologie est aussi un vecteur d’engagement pour les usagers. Il s’agit d’ailleurs d’une thématique majeure dans nos réflexions car, sans surprise, un patient plus engagé est susceptible d’obtenir de meilleurs résultats, sur le plan thérapeutique comme préventif. Une étude réalisée par le service de cardiologie du CHU de Caen a par exemple récemment montré que les patients suivis en télésurveillance cardiaque voient leur espérance de vie et leur qualité de vie s’améliorer, tout en étant moins sujets à des hospitalisations en urgence. Et il ne s’agit là que d’un exemple parmi tant d’autres, ayant eux aussi souligné l’impact bénéfique du numérique en matière de prévention et d’amélioration de la santé de la population.
Quid de cet impact auprès des professionnels de santé ?
Le numérique n’est pas sans conséquences sur leurs modes d'organisation, comme en témoignent les nombreux outils qui permettent déjà aux acteurs d’un parcours de soins d'échanger des données et de suivre des patients atteints de maladie chronique – comme notamment la télésurveillance. Plusieurs évolutions sont aussi visibles sur le champ du diagnostic, avec des prises de décisions plus rapides, plus sûres et plus fluides, voire des anticipations. C'est ce que l'on désigne souvent par le terme de Médecine 6P, pour Personnalisée, Préventive, Prédictive, Participative, Parcours, Pertinence. Or le numérique recouvre justement tous ces « P », sans pour autant remplacer les professionnels eux-mêmes. Son apport majeur réside dans la libération des énergies et des intelligences, pour aller collectivement plus vite et plus loin et pouvoir ainsi « désiloter » le monde de la santé. Bien sûr, pour que le numérique puisse offrir cette fluidité, les outils disponibles doivent être interopérables, ils doivent faire système. Je tiens d’ailleurs à saluer l’action des pouvoirs publics sur ce point précis : le Ségur du numérique, la constitution du Health Data Hub, les créations de l’Agence de l’Innovation en Santé, de l’Agence Numérique en Santé, de la Délégation ministérielle du Numérique en Santé… Tout ceci offre un socle indispensable au bon développement du numérique en santé, pour que nous puissions tous pleinement en bénéficier.
Article publié dans l'édition de mai 2023 d'Hospitalia à lire ici.
Anne-Marie Armanteras : Ce Think Tank issu du Cercle des Décideurs en Santé avait été créé en 2011 pour faire émerger, dans le débat public, une prise de conscience des enjeux liés au déploiement des technologies numériques dans le secteur de la santé et de l’autonomie. Il organise à cet égard des rencontres régulières, centrées sur des thématiques précises ou des personnalités du monde de la santé, afin de faire réfléchir et travailler ensemble tous ceux engagés dans la promotion de l’innovation numérique en santé. Nous fédérons d’ailleurs aujourd'hui plus de 350 membres, tous convaincus qu’il s’agit là d’une opportunité majeure pour accélérer la transformation de notre système de santé.
Justement, quels sont les profils regroupés au sein du Think Tank ?
L’on y trouve aussi bien des professionnels de santé exerçant dans des hôpitaux, des cliniques et des groupes privés, que des associations de patients, des industriels, des mutuelles et des acteurs institutionnels, tels que des agences du ministère de la Santé et des services de direction d'administrations centrales. Toute la force de notre Think Tank réside dans cette diversité des profils et des approches. Les industriels, les développeurs, les inventeurs, les soignants, les usagers se côtoient et se retrouvent autour d’objectifs partagés, au bénéfice du monde de la santé mais aussi du secteur médico-social – car c’est également un sujet sur lequel nous travaillons.
Quel est votre principal mode de fonctionnement ?
Notre Think Tank se veut un véritable lieu de rencontre dédié au numérique en santé, et s’attèle donc à favoriser les échanges autour de cet enjeu. Par exemple, nous avons récemment reçu Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, Thomas Fatome, directeur général de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, ou encore Lise Alter, directrice générale de l’Agence de l’Innovation en Santé. Ces sessions de travail, uniquement ouvertes à nos adhérents, s’inscrivent dans un cadre plus large, celui des cycles de réflexion que nous menons chaque année sur une thématique bien précise.
Laquelle a été retenue pour la période 2022-2023 ?
Pour ma première année en tant que présidente, nous avons choisi de travailler sur la prévention, qui reste une grande oubliée malgré les avancées considérables réalisées ces dernières années en matière de santé numérique. Pourtant, entre la démographie des seniors et les maladies chroniques, il s’agit d’un enjeu devenu incontournable pour notre système de santé – et il le sera encore plus demain. Tous les stades de la prévention sont ici concernés, la prévention primaire, c’est-à-dire la promotion de la santé, la prévention secondaire, soit le dépistage, et la prévention tertiaire qui entend éviter l’aggravation d’une pathologie donnée. Or, j’en suis persuadée, le numérique peut apporter une aide indéniable dans le déroulement et la promotion des actes de prévention dans chacune de ces circonstances.
Quels sont les temps forts de ce nouveau cycle ?
Comme précisé plus haut, nous organisons principalement des sessions de travail réunissant à chaque fois une soixantaine de personnes. En ce qui concerne plus particulièrement le cycle 2022-2023, nous avons déjà organisé trois séminaires, chacun centré sur une question : « Comment les données peuvent-elles contribuer à la prévention ? », pour la première rencontre qui s’était tenue en novembre dernier ; « Avec la santé numérique, que peut-on prédire et que peut-on prévenir ? », pour celle de février ; et « Quelle organisation territoriale pour le suivi des citoyens/patients ? » pour la réunion de mars. En juin, un quatrième et dernier séminaire s’interrogera sur l’évaluation et le financement des outils et dispositifs numériques en santé pour les actes de prévention. À cette occasion, nous inviterons la Haute Autorité de Santé ainsi que plusieurs institutions de l’écosystème, comme la Banque Publique d’Investissement, l'Agence de l'Innovation en Santé, la Direction du Numérique en Santé… Une synthèse de ces travaux sera ensuite remise à François Braun, ministre des Solidarités et de la Santé, Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, et Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée en charge de l’Organisation territoriale et des Professions de santé.
Pourriez-vous évoquer plus en détail les raisons vous ayant poussés à relier numérique et prévention ?
Nous sommes convaincus que le numérique peut faire « pivoter » toutes les actions de prévention, tous stades confondus – qu’il s’agisse de simplement promouvoir une action de santé ou d’éviter qu’une pathologie installée ne s’aggrave. Et cette tendance est déjà perceptible au quotidien : podomètre intégré au smartphone, évaluation du rythme cardiaque via des montres connectées, partage de challenge sportif, surveillance de l’alimentation… les outils numériques se sont déjà intégrés dans nos vies. Mais le numérique appliqué à la prévention ne se limite pas à ces dispositifs pensés pour le grand public, car il peut également contribuer à conserver le capital santé des individus. Ce champ est par exemple exploré par plusieurs start-ups, qui développent des outils centrés sur la qualité de vie au travail, afin d'accompagner la mise en place des politiques de prévention du stress et des burn-out. Sur une échelle plus collective, la prévention doit aussi s’intéresser au concept de santé populationnelle, qui se concentre sur une ou plusieurs pathologies au sein d’un bassin de vie. Cette approche, qui commence à se développer en France, a nécessairement besoin de plateformes numériques pour notamment analyser les données populationnelles, mobiliser les professionnels de santé et faciliter leurs échanges avec les usagers, accélérer les recrutements au sein de programmes cliniques, etc. Alors certes, un tel virage nécessite avant tout une volonté politique affirmée, mais le numérique n’en représente pas moins un soutien indispensable.
Le numérique peut-il aider à un plus grand engagement du patient ?
Assurément ! Au-delà des gains en termes de fluidité et de coordination interprofessionnelle, la technologie est aussi un vecteur d’engagement pour les usagers. Il s’agit d’ailleurs d’une thématique majeure dans nos réflexions car, sans surprise, un patient plus engagé est susceptible d’obtenir de meilleurs résultats, sur le plan thérapeutique comme préventif. Une étude réalisée par le service de cardiologie du CHU de Caen a par exemple récemment montré que les patients suivis en télésurveillance cardiaque voient leur espérance de vie et leur qualité de vie s’améliorer, tout en étant moins sujets à des hospitalisations en urgence. Et il ne s’agit là que d’un exemple parmi tant d’autres, ayant eux aussi souligné l’impact bénéfique du numérique en matière de prévention et d’amélioration de la santé de la population.
Quid de cet impact auprès des professionnels de santé ?
Le numérique n’est pas sans conséquences sur leurs modes d'organisation, comme en témoignent les nombreux outils qui permettent déjà aux acteurs d’un parcours de soins d'échanger des données et de suivre des patients atteints de maladie chronique – comme notamment la télésurveillance. Plusieurs évolutions sont aussi visibles sur le champ du diagnostic, avec des prises de décisions plus rapides, plus sûres et plus fluides, voire des anticipations. C'est ce que l'on désigne souvent par le terme de Médecine 6P, pour Personnalisée, Préventive, Prédictive, Participative, Parcours, Pertinence. Or le numérique recouvre justement tous ces « P », sans pour autant remplacer les professionnels eux-mêmes. Son apport majeur réside dans la libération des énergies et des intelligences, pour aller collectivement plus vite et plus loin et pouvoir ainsi « désiloter » le monde de la santé. Bien sûr, pour que le numérique puisse offrir cette fluidité, les outils disponibles doivent être interopérables, ils doivent faire système. Je tiens d’ailleurs à saluer l’action des pouvoirs publics sur ce point précis : le Ségur du numérique, la constitution du Health Data Hub, les créations de l’Agence de l’Innovation en Santé, de l’Agence Numérique en Santé, de la Délégation ministérielle du Numérique en Santé… Tout ceci offre un socle indispensable au bon développement du numérique en santé, pour que nous puissions tous pleinement en bénéficier.
Article publié dans l'édition de mai 2023 d'Hospitalia à lire ici.