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« L’endométriose doit être mieux connue pour être mieux prise en charge »


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Mardi 3 Mai 2022 à 09:37 | Lu 2344 fois


Chef du pôle gynécologie, obstétrique et néonatalogie à l’Hôpital de la Croix Rousse, le Professeur Gil Dubernard est aujourd’hui un spécialiste reconnu de l’endométriose et des pathologies fonctionnelles bénignes. Au sein des Hospices Civils de Lyon, il a pu développer des techniques innovantes pour la prise en charge des patientes.



Le Pr Gil Dubernard, Chef du pôle gynécologie, obstétrique et néonatalogie à l’Hôpital de la Croix Rousse. ©DR
Le Pr Gil Dubernard, Chef du pôle gynécologie, obstétrique et néonatalogie à l’Hôpital de la Croix Rousse. ©DR
Médecin depuis plus de vingt ans, le Pr Gil Dubernard s’est très tôt intéressé aux pathologies fonctionnelles bénignes de la femme et plus particulièrement à l’endométriose. « Je suis venu à ce sujet il y a une vingtaine d’années, alors que j’exerçais à l’hôpital Tenon de Paris. Mon chef de service m’avait poussé dans cette voie », se souvient l’intéressé. Formé entre Lyon et Paris, le chirurgien multiplie donc les recherches sur l’endométriose, une pathologie « alors peu connue », précise-t-il. Aujourd’hui revenu à Lyon, le gynécologue poursuit ces travaux en y impliquant ses équipes. Nommé professeur en 2010, puis chef de service à l’Hôpital de la Croix Rousse en 2016, il est, depuis deux ans, chef du pôle gynécologie, obstétrique et néonatalogie du même hôpital. Un poste qui, comme il aime à le décrire, lui permet de « d’accompagner les équipes ». Réputé, le pôle s’est en effet très tôt tourné vers l’innovation en matière de prise en charge des patientes.

Un parcours innovant autour des « règles abondantes »

En ce début d’année, les équipes de l’hôpital ont ainsi ouvert un parcours de soins spécifique pour les règles abondantes. Cette grande première dans un hôpital de jour « intervient en deuxième ligne, pour proposer des solutions aux médecins et patientes qui n’en trouvent pas avec les traitements classiques », explique le Pr Gil Dubernard. Concrètement, ce parcours de trois heures est organisé autour d’une consultation de gynécologie médicale spécialisée, une consultation avec un médecin spécialiste de l’hémostase, la réalisation d’une échographie et/ou de prélèvements pour analyses biologiques si nécessaire. « Le gynécologue n’est plus tout seul dans son bureau, c’est ce qui fait l’originalité de cette organisation », résume le chef de pôle.

Regroupant les expertises, le projet a dès le départ été pensé à plusieurs, puisqu’il est né d’une réflexion entre chirurgiens, gynécologues et radiologues interventionnels dans le cadre du traitement des fibromes utérins. « Afin d’éviter les désagréments d’un traitement chirurgical de ces fibromes, nous avons été la première équipe en France à offrir un traitement par radiofréquence afin de réaliser une myolyse de ces fibromes », détaille le professeur. Déjà pratiquée sur une trentaine de patientes, cette approche est très sûre. En effet, un monitorage en temps réel du traitement est réalisé par échographie. « Travaillant déjà ensemble, les équipes ont donc choisi d’étendre cette coopération à la mise en place du parcours règles abondantes », résume le médecin. Et la démarche séduit : après l’Hôpital de la Croix Rousse en début d’année, l’Hôpital Femme Mère Enfant devrait prochainement se doter d’un parcours similaire.

Le traitement par ultrasons

Fier de ce succès, le Pr Gil Dubernard tient à souligner « l’importance des échanges et des collaborations pour avoir une vision transversale de la médecine ». Ouvert et curieux, le fils du Pr Jean-Michel Dubernard a mis ce constat en pratique pour développer des techniques innovantes, parmi lesquelles l’utilisation accrue de l’échographie et des ultrasons dans les traitements gynécologiques. Depuis 2015, le professeur, les Hospices Civils de Lyon, l’unité INSERM 1032 et une société lyonnaise évaluent ainsi les traitements par ultrasons focalisés à haute intensité pour dévitaliser les lésions du rectum causées par l’endométriose colorectale. « Alors qu’habituellement le traitement passe par une opération lourde de quatre à cinq heures et une amputation du rectum, cette nouvelle technique permet de traiter la patiente sous anesthésie locorégionale en une trentaine de minutes », détaille le spécialiste.

Réalisée entre 2015 et 2018, une première étude de faisabilité a déjà donné des « résultats très prometteurs », qui semblent confirmés par la seconde étude de sécurité, menée depuis le 1er septembre 2020 dans cinq villes de France : Lille, Paris, Angers, Bordeaux et Lyon. « Certaines patientes nécessiteront sûrement encore le recours à la chirurgie mais pour beaucoup, cette technique modifie complètement le type d’intervention qui peut leur être proposé », ajoute le médecin qui a également décidé d’innover dans le parcours de soins de ces patientes en proposant la réalisation d’un bilan complet en 40 minutes. Celui-ci comprend une consultation avec un chirurgien, qui réalise lui-même une échographie ciblée endométriose, la Rectosonographie. Grâce à cette fusion entre l’examen clinique et les résultats de l’échographie, il peut ainsi anticiper les gestes opératoires et en informer plus précisément la patiente. « Cette vision est très novatrice, précise le Pr Gil Dubernard. Nous offrons également à nos patientes la possibilité d’intégrer d’autres programmes développés au sein de l’hôpital ». Parmi ceux-ci, on peut par exemple citer le programme Endodol dédié à toutes les patientes atteintes d’endométriose, qu’elle soit opérée ou non. Développé par le Dr Patricia Branche, anesthésiste et algologue aux HCL, il associe médecins, ostéopathes et psychothérapeutes pour une prise en charge complète de la douleur.

Des actions multiples pour une prise en charge globale

« Enseignée depuis peu en Faculté de médecine, l’endométriose doit être mieux connue pour être mieux prise en charge », constate le Pr Gil Dubernard qui espère, à terme, voir fleurir des centres Endodol dans toute la France. Vice-président du réseau pilote Endaura, il est également en charge, depuis 2020 et avec le Dr André Philippe, du premier Diplôme Inter-Universitaire multidisciplinaire et généraliste pour la prise en charge de l’endométriose et de l’adénomyose. « En alliant enseignement, recherche fondamentale, recherche clinique et parcours de soins spécifiques, notre centre offre aux patientes un accès rapide aux innovations », poursuit le spécialiste qui estime ainsi « cocher toutes les cases » de la stratégie nationale contre l’endométriose, annoncée en début d’année par le Président de la République.

Le professeur salue d’ailleurs la publication de cette stratégie « essentielle » pour une sensibilisation accrue des professionnels de santé. « Les patientes étant déjà elles-mêmes très sensibilisées, il faut aujourd’hui se rapprocher des professionnels, qu’ils puissent poser le diagnostic le plus tôt possible », estime le Pr Gil Dubernard. Enseignant depuis dix ans, il a d’ailleurs inscrit la pathologie au cœur de plusieurs de ses cours. Un point qu’il considère « particulièrement important » pour « intéresser les plus jeunes, quelle que soit leur spécialité ». « Au cours de ma carrière, j’ai toujours échangé avec les autres spécialités, les radiologues notamment, pour apprendre les uns des autres et développer des projets communs », ajoute ce médecin qui a su installer le travail collectif au centre de toutes ses actions.

Article publié dans l'édition de février 2022 d'Hospitalia à lire ici.






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